TEMPO RUBATO temps volé
RESPIGHI, Ottorino - Airs et Danses antiques pour luth, Suite No.I (1917)
SCHÖLLHORN, Johannes - Under One's Breath (1996)
SATIE, Erik - Gnossienne n° 1 et 4 (1897), flûte et harpe
MESSIAEN, Olivier - Louange à l'Éternité de Jésus, Vème mouvement du Quatuor pour la fin du temps (1940), alto et harpe
BACH, Johann Sebastian - Inventions à deux voix (1723), flûte et alto
BERTALI, Antonio - Ciaccona
BARTÓK, Béla - Danses Roumaines (1915)
Ce concert-spectacle associe transcriptions musicales, projections vidéos et prises de parole. Les idées esquissées sont soutenues par les grands penseurs de tout temps, des anciens philosophes aux physiciens d’aujourd’hui.
Durée : 75’ (Possibilité d’une formule plus longue en deux parties.)
Le temps aurait-il fait l’objet d’un rapt ? En cherchant sans arrêt la porte de sortie à l’inexorable temps horloger qui s’écoule sans justice, le temps absolu dont Newton nous a empreint s’est fait poussières d’étoiles. Désormais, tout est relatif, et nos vies s’en trouvent bouleversées. Est-il malgré tout possible de se retrouver, le temps d’un concert, autour d’une pulsation commune, si artificielle soit-elle, afin de redonner de la profondeur à nos élans vitaux, et bien entendu musicaux ?
Les Zapotèques disent du temps qu’il n’est pas devant ni derrière nous, mais tout autour de nous. Au travers des œuvres habilement intercalées d’Ottorino Respighi et du compositeur contemporain Johannes Schöllhorn, le concert thématique débute en alternant les époques et en donnant le vertige de la désynchronisation ; danses de ballet et petites études mécaniques entament la déconstruction. De Galilée à Einstein, la physique grignote lentement mais sûrement le sol certain d’un espace-temps absolu qui nous semblait solide. The Times annonce dans un article que le temps n’est plus. On nous l’a volé. Ou est-il passé ?
Les musiciens partent à sa recherche dans les Gnossiennes de Satie où les mesures sont inexistantes. Les projections vidéos abstraites et poétiques, qui suivent la sémantique du spectacle, nous plongent dans un univers où le sable coule à l’infini sans plus aucunes prises possibles. Le sablier est retourné, on entre dans ce deuxième acte au sein d’un monde sonore où les rythmes se floutent et laissent place aux mélodies lentes et longues des œuvres de Messiaen et de son quatuor pour la fin du temps, arrangé pour alto et harpe.
La vitesse de la lumière nous rappelle que tous les temps peuvent coexister, et qu’un même présent pour tous n’a plus de place dans notre monde individualiste. Le passé, le futur et le présent se condensent en un minuscule point d’infini... Mais l’éclipse totale ne durent pas, et la lumière refait son apparition pour nous diriger vers un temps commun possible : celui du tempo rubato qui s’envole devant la basse continue rigoureuse de la Chaconne de Bertali. Mais jamais trop loin, car il faut revenir au temps, au premier, celui de la mesure. Une liberté de se mettre à la même pulsation, qui devient elle-même contrainte salvatrice. Et pour les trois musiciens, c’est dans un rythme enlevé et sans réponse qu’ils nous laissent pensifs sur l’une des questions qui nous échappera probablement toujours : qu’a t-on fait du temps ?